Chronique

Mathieu Valade veut briser des mythes. Pas facile du tout d’étudier dans le domaine des arts

Mathieu Valade, professeur à l'UQAC, pose ici devant son oeuvre. (Photo Rocket Lavoie)
Facile, la vie d’étudiant en arts? Mathieu Valade refuse catégoriquement que ce mythe représente la vérité de quelque manière que ce soit.

« La réalité d’artiste est exigeante. Je ne vois pas pourquoi étudier en arts visuels serait facile. Je veux briser ces mythes parce que certains de mes étudiants, quand ils arrivent dans mon cours, croient que ce sera facile. Ce n’est pas le cas. La réalité est qu’il faut travailler dur, très dur, dans ce domaine comme dans tous les autres. »

Le professeur en arts à l’UQAC, détenteur d’un baccalauréat en arts visuels de l’UQAM et d’une maîtrise dans la même discipline de l’Université Laval, exige rigueur et souplesse de ses étudiants.

« J’adore enseigner parce que ça apporte une relation humaine à ma vie d’artiste. J’ai l’impression d’apprendre autant de mes étudiants qu’eux apprennent de moi. Ils sont dans une période importante de leur vie d’artiste. Il y a quelque temps, un étudiant m’a dit : « je n’exposerai jamais. » On doit défaire tous ces noeuds. »

Mathieu Valade donne des cours de sculpture et de dessin. « Je n’enseigne pas ce que je fais, ce serait incohérent. Chaque personne a sa propre créativité. C’est certain que ça devient parfois difficile d’évaluer un travail, de déterminer les bons critères. Une œuvre peut être belle, mais totalement inintéressante. L’inverse est aussi vrai. Prenons la machine à caca qui a été exposée à l’UQAM. Ce n’était pas joli du tout, mais la signification était impressionnante. »

L’oeuvre de l’artiste belge Wim Delvoye avait beaucoup fait jaser, en janvier 2009. « Elle posait un regard intéressant sur notre société. Elle soulevait des questions », estime l’homme originaire de Sallaberry-de-Valleyfield, qui avait été chargé de cours à l’UQAC en 2006, puis enseignant au Cégep Saint-Laurent, à Montréal, avant de revenir à Chicoutimi.

L’oeuvre, une réflexion

« Une oeuvre est une réflexion. Elle est rendue possible lorsque l’objet et l’idée se rencontrent. Ce n’est pas la recherche du beau. »

Le professeur d’arts Mathieu Valade expose présentement à la Galerie L’Oeuvre de l’Autre, à l’UQAC. Son exposition se nomme « La souplesse des fondements », et son oeuvre est intitulée « Aura ». Il s’agit d’un grand cercle duquel sort de la fumée. Monsieur Valade a surélevé le plancher de la salle d’exposition afin de créer un effet de profondeur.

« J’ai voulu miser sur la simplicité tout en gardant un rapport avec l’architecture. Quand on regarde une oeuvre, qu’est-ce que l’on regarde? On regarde le phénomène qui se crée entre le spectateur et l’oeuvre. J’ai voulu créer quelque chose que l’on pourrait contempler. Il y a comme une lenteur qui s’installe. Quelque chose de magique. »

Cela fait plus de huit ans que monsieur Valade rêve de réaliser une oeuvre à partir d’un cercle de fumée. « Ici, en tant que professeur, on me permet de pousser mes recherches. »

Mathieu Valade s’est inspiré du philosophe Walter Benjamin, qui a développé le concept de l’aura dans son essai « Petite histoire de la photographie », en 1931. Monsieur Benjamin définissait l’aura comme « une manifestation d’un lointain quelle que soit sa proximité ». « J’ai voulu faire une aura sans son oeuvre, raconte le professeur de l’UQAC. Il y a toujours un jeu entre ce qu’il y a derrière la surface et, ce que l’on peut voir. Tout le monde me disait que je ne parviendrais pas à garder la fumée au sol. C’était un défi technique important. »

L’oeuvre présentée à la Galerie l’Oeuvre de l’Autre est en continuité avec les autres réalisations de Mathieu Valade. Il a récemment créé « L’art c’est du vent ». Le mot « art » était écrit à l’intérieur d’un rectangle de bois. Des ventilateurs poussaient du vent dans le mot. « Ça donnait un frisson d’être devant l’art. »

En tout, l’artiste a exposé 13 fois de manière individuelle, et a fait partie de 25 collectifs.

Le Quotidien, 13 mars 2010
Un texte de Katerine Belley-Murray